Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.
Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (2/4)
Deuxième attrait : les Sensations
J’ai un souvenir extrêmement lointain du premier parc d’attraction que j’ai visité : Meli Park, racheté plus tard par Studio 100 pour le transformer en Plopsaland. De Meli Park, je ne garde que quelques bribes : un voyage en bateau à l’intérieur d’un bâtiment, un spectacle avec Bob et Bobette et des scènettes figées de contes de fées. Je me souviens aussi que l’expérience ne m’avait pas spécialement plu, parce qu’il faisait chaud, que j’étais trop petit, et que la culture du parc d’attraction n’était pas quelque chose que je connaissais.
J’en parle dans la première partie de cette genèse, sur les châteaux, je viens d’un petit coin de Belgique, d’un village qui se trouve à mi chemin entre Bruxelles et Lille, mais dont on ne bouge pas réellement, puisque toute la famille proche habite là – excepté mes grands-parents maternels qui vivent près de Tournai, à la frontière française, mais là aussi en rase campagne. Je viens surtout d’une famille qui n’est pas aussi riche que certains camarades, et qui travaille plus qu’elle ne part en vacances. Et quand elle part en vacances, c’est dans la famille – jamais d’hotel, jamais de location. Donc autant dire que les parcs d’attraction – voire les zoos ! – n’étaient pas ancrés dans notre culture. Nous passions nos vacances chez nos grands parents, à creuser l’ennui – et donc à lire des bédés et recopier des dessins.
Chantons ensemble
Là où nos parents n’étaient pas avares, c’était en VHS, et surtout en VHS des dessins animés Disney. Nous avons usé et abusé de ces pauvres cassettes, jusqu’à en altérer l’image et le son. Nous avons rossé les classiques, même Fantasia (bien que ça nous ennuyait profondément). Outre les classiques, nous avions aussi des petits films éducatifs, style « Donald au Pays des Mathématiques » (il jouait au billard), et des Sing Along – « Chantons Ensemble » en français -, karaoké avec la tête de Mickey sur les paroles des fameuses chansons des dessins animés.
Et il se trouve que dans cette série se trouve un « Chantons Ensemble à Disneyland Paris ». Voilà comment je découvre le parc francilien pour la première fois. Tout y passe : Fantasyland, les CowBoys, les Méchants devant Phantom Manor, Main Street … Il se dégage de cette vidéo quelque chose d’éminemment fantastique, mais aussi d’englobant. L’envie d’être là bas, de découvrir ces endroits, de ressentir ces sensations d’aventure, de merveilleux, peut-être un peu de chaire de poule. C’était un pas en plus vers l’extraordinaire que cette publicité pour le parc, avec des enfants dans la nature, qui apercevaient une montgolfière et qui arrivaient en volant à Disneyland (la version de Floride).
(Et je n’oublie pas non plus un épisode de Bob et Bobette « Manneken Pies l’irrascible » qui se passe en partie à DisneyWorld et dont l’aspect architectural me fascinait)
Et la Vie, Va
Comme dit plus haut, l’idée même d’aller dans un parc d’attraction en famille, et de surcroit Disneyland (à Paris !), n’était même pas évoqué. Entre temps, j’avais visité avec l’école BaudewijnPark, à Bruges – mon premier roller coaster ! – et Bellewaerde – mon premier looping ! -. Le petit garçon un peu timide et maniéré que j’étais s’était mis en tête que ça avait l’air bien de faire ces grands trucs qui vont vite et qui vont haut (malgré ma peur du vide). J’étais le premier à rentrer dans les attractions, avec une envie pressante de recommencer et de retrouver ces sensations – surtout dans le bateau pirate, pas de looping, mais des chatouillis dans le bas ventre.
Mais il s’agissait là de parcs d’attractions – pas forcément beaucoup de thématique (outre le côté Western / Mexique de Bellewaerde) et des attractions plantées entre des arbres. Une fête foraine installée, en quelque sorte. Clairement pas un endroit magique avec un Château, des Pirates, des Fantômes et des Princesses. Un rêve qui éclosait de plus en plus : peut-être que c’était possible d’aller à Disney. Ah ? C’est trop cher. Ah ? Vraiment très cher ? Pourtant Isaline y a été – Oui mais Isaline elle n’a qu’une soeur et ses parents ont la chance de pouvoir prendre de belles vacances.
Et puis un bon matin de vers Halloween (je crois, nous étions à la maison en semaine, donc en vacances), ma mère participe à un concours sur la radio locale – Vivacité – pour gagner un voyage à Disneyland pour 4 personnes (comment allons-nous faire nous sommes 6 ?). Elle gagne le concours au milieu de la semaine, mais elle doit attendre vendredi, et les scores de tous les gagnants journaliers, pour savoir si oui ou non elle a gagné.
Et bim. Elle gagne. La légende familiale voudra qu’elle a gagné parce qu’Alizée, la plus petite soeur, pleurait parce qu’on l’avait peut-être un peu bousculée dans l’excitation due à ce suspens insoutenable. Je réalise, penaud. Nous allons à Disneyland. C’est vrai. Ca va arriver. Mes parents se saignent pour payer deux places supplémentaires et voilà qu’une date est fixée : en mars prochain, on part vendredi, on revient dimanche, et on aura été 3 jours et 2 nuits à Disney.
S’échapper à travers les plans
L’idée que tout ça va réellement se concrétiser me fait monter la sève. Je deviens insupportable – à tel point qu’Isaline, dans la cour de récré, me lance un « T’es chiant à tout le temps parler de Disneyland ». Mais elle ne comprend pas que c’est révolutionnaire, pour moi. Et que grâce à internet, j’ai pu me renseigner sur beaucoup d’attraits du parc. Que dis-je. DES parcs. Le Studio venait d’ouvrir.
Très vite, je suis tombé sur différents plans des différents espaces du Resort. Et encore plus vite, je m’y suis repéré, j’ai analysé chaque détail, chaque placement d’hôtel, et aussi le Disney Village, et tiens un énorme parking, et cet hôtel juste devant le « grand » parc. Avant même d’y avoir mis les pieds, j’étais intarissable sur ce qu’on pouvait y voir … J’avais même trouvé un site « corporate » qui montrait d’autres plans, avec plus de détails, et ça m’avait donné l’impression d’avoir trouvé le Graal.

Trop lentement, le vendredi tant attendu est arrivé, et nous sommes partis pour arriver dans l’après-midi à Marne-la-Vallée (non sans que mon père ne SE PERDE, en quittant l’autoroute une sortie trop tôt). Ma mère, deux soeurs et moi, nous prenons une chambre à l’hôtel New York – je trouve l’endroit un peu froid, ça ne me donne pas spécialement l’impression qu’on peut se permettre ce luxe là – et mon père et ma toute petite soeur sont au Sequoia Lodge – qui correspond clairement plus à mes goûts.
En vrac, je me souviens que nous mangeons un soir au Disney Village, dans un truc où on paie super cher pour des grosses frites. Je me souviens que mon père trouve un billet de 50€ dans Pirates des Caraïbes, et que ça permet de payer le repas de toute la famille de midi (c’est dire si les prix ont augmenté depuis …). Je me souviens d’Indiana Jones, du Space Mountain, du train autour du parc, du Château de la Belle au Bois Dormant, de Roller Coaster avec Aerosmith, du Canyon à eau et à flamme (et aussi de la scène du dragon dans une ville abandonnée), du dessin de Mushu sous le gros chapeau de Mickey, du show des Cascades et du Café des Cascadeurs, où nous avions mangé notre dernier repas au Resort, avant de faire les bagages et de quitter trop vite ce monde magique.
Je me souviens surtout d’une sensation très particulière, très englobante, très « hors du temps ». C’est aussi certaines odeurs, que je ne retrouve qu’à certains moments, et qui agissent comme une madeleine de Proust, me prenant au dépourvu, et qui me font dire « Tiens, ça sent le parc d’attraction ».
Merci Kevin pour RCT
Dans ma petite folie d’obsédé du parc d’attraction, je me souviens que je gribouillais avec Kevin des plans de grand huit et de flat rides lors des temps libres à l’école – j’étais en 5e ou 6e primaire, donc je n’avais pas plus de 12 ans. Un jour, il arrive avec un CD-Rom gravé et me dit « Tiens, c’est un jeu piraté c’est pour faire des parcs d’attraction ». Et moi voilà en train de demander à mon père si on peut mettre le CD, et hop, Roller Coaster Tycoon 1 – la version où je ne peux rien enregistrer parce que piratée – apparait.

Qu’est-ce que je l’ai rossé ce jeu. L’urgence, en plus, de ne pas pouvoir enregistrer mes parties rendait l’expérience totalement folle. Quand Roller Coaster Tycoon 2 est sorti, j’ai acheté une version officielle cette fois-ci (avec l’argent dument gagné à un anniversaire) et j’y ai joué comme jamais. J’essayais de répliquer les parcs que je connaissais – il y avait une recréation de Walibi Belgique incluse dans le jeu – et je crois que c’est réellement à ce moment-là que j’ai commencé à aimer la création digitale. Mes dessins pouvaient se retrouver là, sur l’écran, vus en 3D. Parfait.
En parlant de 3D, 2 ans plus tard sort Roller Coaster Tycoon 3, et tout devient plus fluide. Adieu l’isométrique, bienvenue dans les vues intégrées dans les coasters. L’immersion est intense. Je crée des mondes défiant toute logique budgétaire, j’essaie de recréer Disneyland Paris – grâce à des packs de créateur téléchargés, je parviens à recréer l’Hotel Disneyland, Main Street et le Château, et il me semble un peu de Fantasyland, avant de passer à autre chose.
L’univers épique
Avance rapide vers le futur. Mes centres d’intérêt ont légèrement bougé, mais arrivent deux choses qui me mettent en joie. D’un côté, l’annonce de la création d’une zone « Harry Potter » dans un Parc d’attraction, à Universal Studio en Floride, et son ouverture en 2010. Je me décroche ainsi de la galaxie Disney pour m’intéresser aux autres créateurs de parc, et force est de constater qu’Universal est clairement dans la course – et avec l’ouverture d’Epic Universe, loin devant !
L’autre nouvelle réjouissante est la suite – enfin ! – de Roller Coaster Tycoon, intitulée Planet Coaster. Je découvre alors le monde des créateurs qui se filment sur Youtube. Il y en a en particulier qui me ravit par ses créations, son sens du détail et son apparente dextérité sur le jeu : c’est Silvarret. Il continuera d’ailleurs à m’impressionner avec Cities Skylines et Parkitect. En le suivant, lui et d’autres créateurs, je me rends compte que je ne suis pas le seul siphonné et qu’ils vont d’ailleurs bien plus loin que moi dans le réalisme. J’adore.
Dans la « vraie » vie, je ne suis pas un parconaute acharné : déjà parce qu’il faut de l’argent, un moyen de transport, et du temps. Pour autant, j’ai eu le plaisir de visiter Port Aventura, le Parc Astérix, et plusieurs fois certains parcs de Belgique – Plopsaland et surtout Walibi, dernier parc à mon actif. Evidemment, si je gagnais à l’Euromillions, mon premier achat serait un voyage d’un mois dans les parcs de Floride, mais encore faudrait-il que mon mari me suive dans l’aventure !
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