Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.
Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (3/4)
Troisième attrait : la Représentation de la Réalité
Il est un peu plus compliqué pour moi de rattacher les wagons (pun intendend) sur ce qui fait que j’apprécie autant les plans de métro et, a fortiori, les plans de ville. Je pourrais parler de mon intérêt pour le TGV – et ma manière de systématiquement les manquer du regard quand ma mère disait « Benoît, un train ! » – ou pour mon train en LEGO qui se transformait invariablement en montagne russe. Mais ça me semble assez faible, en tout cas ce n’est pas aussi ancré organiquement en moi que les châteaux ou les parcs d’attractions. On ne retrouvera pas de plans de ville ou de métro dans mes dessins d’enfance ou d’adolescence.
Savoir où je vais
Peut-être que mon attrait pour les plans, de manière générale, vient de ce besoin de comprendre, de planifier et donc, de savoir où je vais. Je me souviens de grands stress, la première fois où j’ai pris le bus ou le train tout seul, d’être certain que je descendrai au bon arrêt, d’être certain d’être sur la bonne ligne. Encore aujourd’hui, quand je prends des bus ou des trains que je ne connais pas, je suis plus en alerte, je compte les arrêts, je me repère systématiquement sur le plan schématique de la ligne pour me rassurer.
Paradoxalement, quand je visite une nouvelle ville – comme New York, récemment -, j’aime aussi me détacher totalement des plans et des cartes et marcher en me perdant un peu, juste pour découvrir les bâtiments et les espaces, les différences d’un quartier à un autre, les architectures, les ambiances, les populations. J’aime aussi à me dire « Ici, c’est la première fois que tu marches ». Essayez de penser à ça quand vous découvrez un endroit : c’est vertigineux.

La simplicité graphique
Il y a quelque chose dans la représentation épurée du réel qui me plait énormément. Outre les plans de métro, de ville, je pense aussi à ces tracés d’architectes ou de designer qui, en deux temps trois mouvement, par une courbe, une ligne, une ombre, peuvent vous figurer le vivant. Le concret. Quand vous vous retrouvez devant un plan de métro, cette simplicité, cette ergonomie, vous saute aux yeux. Vous n’avez pas là un vrai plan de ville. Vous avez là ses réseaux de transport. En un clin d’oeil, même si vous ne connaissez pas la ville, vous savez où vous devez aller.

Je pense que le premier vrai plan de métro auquel j’ai été confronté a été celui de Londres. C’est la première très grande ville que j’ai visité, avant Paris, avant Bruxelles. Nous y avions été en ferry, puis en bus, avec mes grands parents, pour mon anniversaire (j’avais 12 ans, je crois). Une journée où je me souviens d’un grand voyage en métro jusqu’à Greenwich, d’un passage dans une église près de Trafalgar Square et d’un chocolat chaud dans une échoppe proche de Victoria Station. J’avais aussi été impressionné par ces ouvrages qui plongeaient dans les sous-sols, tout ce monde souterrain, ces briquettes, cette atmosphère hors du temps de ce métro centenaire.
Savoir où mes personnages vont
Je ne pense pas l’avoir déjà dit : j’écris des histoires. Et comme à chaque fois que quelque chose m’interpelle, j’essaie de le répliquer, j’ai été fortement impressionné par Le Seigneur des Anneaux et surtout par sa réalité spatiale. Tout se passait sur la Terre du Milieu, qui avait un Nord, un Sud, des montagnes, des fleuves et des mers. J’ai donc essayé de faire pareil. Créer un monde avec des chemins, des lacs, des monts, des châteaux, des villes, des dangers, des frontières, des particularités.

Sur cet exemple de plan, vous pouvez voir des routes, des pays, des grandes forêts et aussi des tentatives de singularités linguistiques. Les lettres K, R, le manque de voyelle, ou justement des voyelles avec des trémas. Tout ceci avait un sens – dommage que je ne l’ai pas réellement documenté … Et c’est d’ailleurs là que le bas blesse : mes histoires fantasy manquent cruellement d’un réel fond documenté. Tout commence toujours par un plan, quelques chapitres, puis rien de bien concret, jusqu’à être oublié au fond d’un dossier Word.
Savoir comment mes personnages se déplacent
Quand j’ai eu 18 ans, et que je me suis retrouvé en « Informations et Communications » à l’Université, j’ai commencé à écrire des formats différents des formats « romanesques » que j’écrivais habituellement. Je testais l’idée d’une série télé : la forme même d’un scénario me donnait envie, et donc j’ai développé une histoire autour d’un apprenti journaliste qui évoluait dans une ville imaginaire mais qui était un mix entre Paris, New York et Bruxelles. Je me suis vite retrouvé coincé par cette nouvelle réalité : il avait donc fallu que je fasse un plan.

Vous voyez ce « BOTV » ? Et bien c’est là où travaillait mon apprenti journaliste. Et vous voyez ces lignes et cet enchevêtrement d’informations ? Et bien c’est là que l’on comprend que j’ai mis du temps à appréhender Illustrator.
Réel … ou pas ?

Quand on voit ce dessin en construction, on pourrait se demander « Mais quelle ville européenne a-t-il bien pu représenter ? ». Spoiler alert : elle n’existe nulle part, si ce n’est dans ma tête. A-t-elle un nom ? Je ne sais plus. Mais elle a une histoire – voyez ces remparts à la Vauban -, des parties plus anciennes -tiens, la vieille ville autour de la cathédrale -, et des parties qui montrent un urbanisme plus récent – voyez ces grandes avenues et cette gare qui s’impose jusqu’au coeur de la ville. J’aime penser ce genre de détail – et peut-être que les urbanistes qui verront ces dessins crieront à l’infamie.
Dans une autre déconstruction du réel, je me suis surpris à (ré)imaginer des réseaux de transports en commun pour des villes. Comme je suis entre Toulouse et Albi, je me suis évidemment d’abord penché sur ces deux villes. Typiquement, ici, j’ai imaginé un réseau de tram pour la préfecture du Tarn. J’ai fait avec mes connaissances de la ville, et surtout en utilisant les axes majeurs et les points d’entrée. Avis aux Albigeois : voici votre réseau de tram en 2050 !

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